vendredi 14 avril 2017

Homo Romanus animal memor est



In Romanis antiquiis temporibus, memoria magnum pondus habet, sed arcana manet.

   Memoriam habere in hominis definitione secundum Ciceronem continetur : « animal hoc providum, sagax, multiplex, acutum, memor, plenum rationis et consilii, quem vocamus hominem. » (De legibus, I, 22).

   Homo excellens, nobilissimus, memoriam deponere non potest : quae virtus est. In De Senectute tractatu a Cicerone scripto, Cato negat senum memoriam robur amittere. In eodem tractatu (qui quoque Cato Major inscribitur), Cato dicit per diaeteticam memoriam tam validam quam corpus esse, tamtum pigros viros obliviosos fieri.

   In Roma antiqua nemo, ne medici quidem, sibi fingit memoriam aegram vel languidam esse posse. Nullus medicus animo fingere potest morbum quemdam esse sicut Alzheimer morbum qui ad senes pertinet, nam vitae spes brevior est quam in nostris temporibus. Memoria non separata ab corpore est, quasi in potestate corporis est. Sunt casus memoriae amissae, quos Plinius Senior commemorat : « Ictus lapide oblitus est litteras tantum ; ex praealto tecto lapsus matris et adfinium propinquorumque cepit oblivinionem, alius aegrotus servorum, etiam sui vero nominis Messala Corvinus orator » (Plinius Senior, Naturalis Historia, VII, 90). Quae memoriae defectiones icti aut morbi externi condiciones sunt.

   Ubi memoria in hominis corpore ponitur ? Multi loci sunt quia Romani secum quaerunt si memoria in corde sit (verbum praesens in recordatione), in aure (locus quo alicujus verba accipiuntur), in stomacho (per memoriae similitudinem sensus sunt cibi). Memoriane animi instrumentum est, hominis spiritualis vis, aut mentis instrumentum, rationalis cogitationis ? Homo Romanus id nescit.

   Tum memoria virtus est quae commercia tuta cum aliis firmat : ejus gratia civis majores suos, nomen, officia reminiscit.

   Romanus tamen ut memoriam amittat in duobus temporibus permittitur. In convivio vinum, dum Romanus otiosus est, consumptum non damnatur : negotia et res publicas oblivisci permittit. Amor quoque oblivionem facit, ob beatitudinem sensuum quae efficitur. Quintus Horatius Flaccus poeta liberi civis dua tempora colligit , sed dua tempora privata longe ab publicis muneribus sunt. Phrynen, graecam amicam amat, et ipse amoris consequentiis obstupescit : « Mollis inertia cur tantam diffuderit imis / oblivionem sensibus, / pocula Lethaeos ut si ducentia somnos arente fauce traxerim, / candide Maecenas, occidis saepe rogando [...]. » (Horatius, Epodon liber, 14, 1-5).


Mnémosyne, mosaïque du musée d'Antioche.


Dans l'Antiquité romaine, la mémoire a une grande importance, mais elle reste mystérieuse.

   Le fait d'avoir de la mémoire entre dans la définition que Cicéron donne de l'homme : « cet être vivant qui est prévoyant, pénétrant, multiple, qui a de l'acuité, de la mémoire, qui est plein de raison et d'intelligence, que nous appelons homme » (De legibus, I, 22). L'homme excellent, appartenant à l'élite, ne peut perdre la mémoire : elle est une qualité. Dans le De Senectute de Cicéron réfute l'idée selon laquelle la mémoire des vieillards perd en vigueur. Dans le Cato Major, Caton dit que son hygiène de vie lui donne une mémoire aussi bonne que son corps, que seuls les paresseux deviennent oublieux.

   À Rome, personne, pas même les médecins, ne s'imagine que la mémoire puisse être malade ou défaillante. Aucun médecin ne peut imaginer une maladie comme la maladie d'Alzheimer qui touche les vieillards, car l'espérance de vie est plus courte qu'aujourd'hui. La mémoire n'est pas isolée du corps, elle en dépend. Il existe des cas d'amnésie, que Pline l'Ancien mentionne. « Frappé par une pierre, un homme oublia seulement les lettres ; tombé du haut d'un toit très élevé, un autre ne reconnut plus ni sa mère, ni ses parents par alliance, ni ses proches ; un autre ne reconnut plus ses esclaves pendant une maladie ; l'orateur Messala Corvinus oublia jusqu'à son propre nom » (Histoire naturelle, VII, 90). Ces cas d'amnésie sont toujours causés par un choc ou une maladie extérieurs.

   Où la mémoire se situe-t-elle en l'homme ? Les localisations sont nombreuses, on se demande si elle demeure dans le coeur (cor, mot présent dans recordatio), l'oreille (lieu où sont reçues les paroles de quelqu'un), l'estomac (par analogie à la mémoire, les sentiments constituent les aliments). La mémoire est-elle un instrument de l'âme, animus, énergie spirituelle de la personne ou de l'esprit, mens, sa pensée rationnelle ? L'homme romain ne le sait pas.

   La mémoire est en tout cas une qualité qui assure de bonnes relations avec les autres humains : grâce à elle, le citoyen se souvient de ses ancêtres, de son nom, de ses devoirs.

   L'homme romain peut cependant être autorisé à perdre la mémoire temporairement en deux circonstances. Le vin consommé dans un banquet, pendant son otium, n'est pas jugé négativement : il permet d'oublier les affaires, la politique. L'amour provoque aussi l'oubli, par la béatitude causée par la personne aimée. Horace résume ces deux moments de la vie du citoyen libre, mais ce sont deux moments privés où le citoyen n'exerce plus son rôle politique. Il est amoureux de Phryné, courstisane grecque, et s'étonne lui-même des conséquences de l'amour : « Pourquoi une paresse amollissante a répandu au plus profond de mes sens, comme si j'avais aspiré, d'une gorge desséchée, des coupes versant avec elles un sommeil léthéen, tu me tues, loyal Mécène, à me le demander sans cesse […]. » (Horace, Épodes, 14, 1-5).

Clarisse Chassanite scripsit (Terminale S5).